La parole est un attribut exempt de début et exempt de fin par lequel Il parle, ordonne, interdit, promet et menace. Sa parole n’est pas comme la parole d’autres que Lui. Elle est exempte de début car Allah Lui-même est exempt de début et elle n’a pas de ressemblance avec la parole des créatures. Sa parole n’est pas un son produit par l’écoulement de l’air ou par le choc de corps entre eux, ni des lettres qui sont prononcées en fermant une lèvre ou en bougeant une langue.
Nous croyons fermement que Mouça a entendu la parole de Allah exempte de début, sans lettre, ni son, tout comme les croyants verront Allah dans l’au-delà, sans qu’Il soit une substance ou une caractéristique de substance ; en effet, la raison ne juge pas impossible l’audition de ce qui n’est ni lettre ni son.
Sa parole ta^ala, qui Lui est propre, n’est pas une parole composée de lettres se succédant les unes aux autres comme notre parole. Et si l’un d’entre nous récite la parole de Allah, sa récitation est faite de lettres et de sons, elle n’est pas exempte de début.
D’autre part, le nom « Qour’an » et les autres noms qui désignent les Livres révélés, ont deux emplois :
Ils sont employés d’une part pour désigner les termes descendus par révélation sur Mouhammad –et autres que lui– et d’autre part, pour désigner la parole propre à l’être de Allah, exempte de début, qui n’est ni lettre ni son, ni langue arabe ni aucune autre langue. Si l’on vise par ces noms la parole propre à l’être de Allah, elle est donc exempte de début, elle n’est ni de lettre ni de son. Et si l’on vise par ces noms, les termes révélés, alors certains sont en langue hébraïque et d’autres sont en langue syriaque. Ces langues ainsi que les autres langues n’existaient pas et Allah les a créées. Elles sont donc devenues existantes, alors que Allah ta^ala existe avant toute chose ; Il parle de toute éternité avant même leur existence et Il est ainsi sans changement après leur existence et Sa parole, qui est Son attribut, est exempte de début et de fin, c’est une parole unique. Et tous ces livres descendus sont des expressions qui indiquent cette parole propre à l’Être de Allah, exempte de début et de fin. En outre, Il n’est pas nécessaire du fait que l’expression ait un début que ce qu’elle indique ait aussi un début. Ne vois-tu pas que si nous écrivions sur un tableau ou un mur اللّه « Allah » et qu’on disait « ceci est Allah », cela signifierait-il que les formes de ces lettres tracées sont l’Être de Allah ? Personne de raisonnable ne se l’imaginerait. On en comprend seulement que ces lettres désignent Celui Qui a la divinité [1], Qui existe, Qui est adoré, Qui Crée toute chose. Mais malgré cela, on ne dit pas que le Qour’an est créé. Cependant, on explique dans les assemblées de science, que les termes révélés ne sont pas propres à l’Être de Allah mais qu’ils sont au contraire des créatures de Allah car ce sont des lettres qui se succèdent les unes aux autres et ce qui est ainsi a un début à son existence, c’est une créature, catégoriquement. Toutefois, ils ne sont l’œuvre ni d’un ange, ni d’un humain. Ce sont des expressions de la parole propre à Allah, qui n’est pas qualifiée d’être arabe, ni hébraïque ni syriaque. On emploie pour toutes ces significations l’expression « la parole de Allah », c’est-à-dire que l’attribut de la parole propre à l’Être de Allah, on l’appelle « la parole de Allah » et les termes révélés qui en sont une expression, on les appelle aussi « la parole de Allah ».
Ce détail a, par ailleurs, été rapporté de Abou Hanifah, que Allah l’agrée, il fait partie des gens du Salaf puisqu’il a vécu une partie des cent premières années et qu’il est décédé en l’an cent cinquante de l’Hégire. Il a dit : « Et Allah parle sans organe ni lettres alors que nous, nous parlons avec des organes et des lettres ». Ainsi, il n’en est pas comme le disent les mouchabbihah (que les gens du Salaf ne disaient pas que Allah parle d’une parole qui n’est pas de lettres et que ceci n’est qu’une innovation des Acharites). La parole attribuée à Abou Hanifah est un fait confirmé, elle est mentionnée dans l’une de ses cinq lettres, leur attribution jusqu’à lui a été confirmée en tant que sûre (sahih) par le Hafidh Mourtada Az–Zabidiyy dans son commentaire sur le livre Ihya’ou ^Ouloumi d-Din.
D’autre part, les deux emplois –du terme Qour’an–relèvent tous deux du sens propre car le sens propre est soit du point de vue de la langue, soit du point de vue de la Loi de l’Islam, soit du point de vue de l’usage. Or employer le terme « Qour’an » pour désigner les termes révélés est un sens propre du point de vue de la Loi, il convient donc que cela se sache.
Pour faire un rapprochement d’idées, le mot اللّه (Allah) est une expression indiquant l’Être éternel exempt de début et exempt de fin. Lorsque nous disons : « Nous adorons Allah », c’est donc cet Être Qui est visé. Et si on écrivait ce mot et que quelqu’un demandait : « Qu’est-ce que c’est ? », on répondrait : « Allah », dans le sens que ces lettres indiquent cet Être exempt de début et exempt de fin, et non dans le sens que ces lettres seraient elles-mêmes l’Être Que nous adorons.
[1] Al-‘ilah –le dieu– c’est l’Être qui a (al-‘oulouhiyyah) –la divinité–, la divinité étant la toute-puissance à créer. Seul Allah a la divinité.