jeudi octobre 3, 2024

L’IMAM ABOU HANIFAH

 

L’Imam Abou Hanifah An-Nou3man  رضي الله عنه représente un étendard principal qui en devance bien d’autres dans les domaines de la théologie et en particulier 3ilmou l-kalam qui est la science de l’argumentation rationnelle dans la croyance. Il l’était également dans la science de la jurisprudence dont il est fondateur de l’une des quatre Ecoles. Le grand Imam Abou Hanifah An-Nou3man est souvent appelé al-Imam al-‘akbar ou al-Imam al-‘a3dham, ce qui signifie le plus grand et le plus éminent.

 

 L’Imam jurisconsulte Abou Hanifah, que Allah l’agrée, n’aurait pas atteint cet éminent degré de savoir, de mérite et de facilité d’argumentation décisive s’il ne possédait pas une très forte perspicacité, un esprit très éveillé et une très bonne mémoire. On rapporte de lui beaucoup d’anecdotes impressionnantes dans le domaine de la jurisprudence et de la Loi, ce qui témoigne qu’il a dépassé ses pairs par son intelligence.

 

 On rapporte qu’un homme lui demanda : « Imam, j’ai enterré de l’argent, il y a longtemps de cela et j’ai oublié l’endroit. » Abou Hanifah lui répondit : « Va prier toute une nuit jusqu’à l’aube, sûrement tu te souviendras de l’endroit où tu as enterré cet argent. Si Allah le veut. » L’homme fit donc ce que lui dit l’Imam, il eut le temps de passer un quart de la nuit en prière et il se rappela de l’endroit. Il se rendit alors auprès de Abou Hanifah que Allah l’agrée et lui raconta ce qui s’était passé. L’Imam Abou Hanifah dit alors : « Je savais que le Chaytan n’allait pas te laisser faire la prière toute la nuit. Puisses-tu achever cette nuit en faisant des prières pour remercier Allah parce que tu as retrouvé le trésor ? »

 

 Les historiens rapportent dans leurs livres beaucoup d’histoires à propos de son extrême intelligence et de sa perspicacité.

 

SA GENEALOGIE :

 

Il est Abou Hanifah an-Nou3man fils de Thabit. L’historien Ibnou Khillikan dit qu’il est : « Abou Hanifah An-Nou3man fils de Thabit fils de Zouta fils de Mah le spécialiste des Lois de l’Islam et il est de la ville de Koufah. » Koufah est une ville d’Iraq à proximité de Bagdad. Il est affilié au clan de Taymou l-Lah bin Tha3labah. Un autre rapporte au sujet de sa généalogie qu’il s’appelle an-Nou3man fils de Thabit fils de an-Nou3man fils de al-Marzouban. Il est né au cours de l’an 80 de l’Hégire. Il faisait du commerce de tissus.

 

 Il a commencé à apprendre et à étudier les sciences religieuses depuis son jeune âge pour se consacrer par la suite à l’enseignement et à l’émission des décrets de la Loi, ce que l’on appelle les fatawa.

 

 Il a eu le privilège de rencontrer six Compagnons et de transmettre d’eux la tradition prophétique. Ces compagnons sont Anas bin Malik, 3Abdou l-Lah bin Anas, Wathilah bin al-‘Asqa3, 3Abdou l-Lah bin ‘abi ‘Awfa, 3Abdoullah bin Jouz’ Azzabidiy et Ma3qil bin Yaçar.

 

 Il a étudié la Loi principalement auprès de Hammad bin ‘abi Soulayman.

 

 Il a assisté aux assemblées de cours et de transmissions de la tradition prophétique de 3Ata’ bin ‘abi Rabah, de Abou Ishaq as-Sabi3iy, de Mouharib bin Dathar, de al-Haytham bin Habib aswaf, de Mouhammad bin al-Mounkadir et de Nafi3 le serviteur de 3Abdou l-Lah bin 3Oumar.

 

 Il a été disciple de certains éminents chouyoukh, ce qui lui a permis de rapporter d’eux des traditions prophétiques, tels que l’Imam Abou Ja3far Mouhammad al-Baqir bin 3Aliy bin al-Houçayn bin 3Aliy bin Abi Talib, de Abou l-Haçan Zayd bin al-Houçayn et de Abou Bakr Mouhammad bin Chihab az-Zouhriy.

 

 Le nombre de ses chouyoukh parmi les tabi3in de qui il a rapporté des traditions prophétiques a atteint deux cents environ. A savoir les tabi3in sont les disciples des Compagnons.

 

 Parmi ses élèves, il y avait 3Oubaydou l-Lah bin al-Moubarak et Waki3 ainsi que d’autres.Les plus célèbres d’entre eux sont le juge Abou Youçouf et Mouhammad bin al-Haçan ach-Chaybaniy.

 

SA SCIENCE ET LA FORCE DE l’ARGUMENTATION :

 

L’Imam était, que Allah l’agrée, jurisconsulte absolu et possédait une argumentation particulièrement forte . Dans son temps, il était l’épée de la tradition prophétique brandie au-dessus des têtes des Mou3tazilah. En effet, il a suivi de près leurs assemblées dans les différents pays où ils se trouvaientt, débattu avec eux et il y a établi les arguments décisifs contre eux. Dans le domaine de 3ilmou l-kalam qui est le domaine de l’argumentation rationnelle dans la croyance, il a atteint un tel degré qu’il était désigné du doigt. Il était l’appui de ‘Ahlou s-Sounnah mais aussi le plus célébre d’entre eux à riposter contre les gens de l’égarement, et particulièrement les Mou3tazilah. L’auteur de at-Tabsirah al-Baghdadiyyah, Abou Mansour 3Abdou l-Qahir at-tamimiy al-baghdadiy a rapporté de l’Imam Abou 3Abdi l-Lah as-Saymariy que l’Imam était, de son époque, le maître de 3ilmou l-kalam

 

 Al-Khatib dit dans son livre at-Tarikh que Harmalah bin Yahya a rapporté que l’Imam ach-Chafi3iy a dit : «Quiconque voudrait approfondir ses connaissances de la Loi restera moins fort que Abou Hanifah.»

 

 Aussi, ach-Chafi3iy a rapporté qu’il a été dit à l’Imam Malik que Allah l’agrée : « Aurais-tu vu ‘Abou Hanifah ? » Il a répondu : «Oui, j’ai vu un homme qui, s’il te parle au sujet de cette poutre pour prouver qu’elle est en or, réussira à établir son argument.» Al-Khatib, dans son livre Tarikhou Baghdad, c’est-à-dire l’histoire de Baghdad, a cité également que Abou Hanifah s’était vu dans le rêve en train de creuser la tombe du Prophète  ; alors il a envoyé quelqu’un demander l’interprétation du rêve à Ibnou Sirin qui a répondu : « L’auteur de cette vision se verra gagner un grand degré de savoir sans précédent. »

 

SA CROYANCE :

 

L’Imam, que Allah l’agrée, avait la croyance du Prophète (Que Allah l’élève davantage en grade) et des Compagnons, que Allah les agrée. En effet, il a rencontré certains d’entre eux et a appris auprès d’eux. Son état est similaire à celui des savants parmi les Salaf qui avaient la croyance de l’unicité et considéraient impossible que Allah très vénéré ait pour attribut des ressemblances aux créatures, un corps ou qu’Il soit dans un endroit. Et la preuve en est sa parole dans son livre al-fiqhou l-‘Absat qui est : « Allah était alors qu’il n’y avait pas d’endroit, Il était avant de faire exister la création, Il était alors qu’il n’y avait pas encore de notion de lieu, il n’y avait ni création ni rien et c’est Lui Le créateur de toute chose.»

 

 Parmi ses précieuses paroles dans le domaine de la négation de toute comparaison à Allah très vénéré et la négation de tout attribut corporel Le concernant, il y a sa déclaration dans al-Fiqhou l-‘Akbar : « Son yad est un attribut qui Lui est propre et qui est sans comment.» Il veut dire que le mot yad est un attribut propre à Allah mais qui n’est pas un membre corporel ; ainsi il n’y a ni comment ni description possible à son sujet.

 

 Il a dit aussi : « Allah est Un, non pas selon la notion du nombre mais dans le sens qu’Il n’a pas d’associés. Il n’a pas engendré, Il n’a pas été engendré, et n’a nul égal. Il n’est ni corps ni adjectif affilié aux substances. Il n’est pas concerné par une limite, Il n’a pas d’opposé ni d’égal ni de ressemblant. Il ne ressemble à aucune chose de Sa création et rien de Sa création ne Lui ressemble. Il existe et ne ressemble à aucune chose de ce qui existe.»

 

 Il était de ceux qui exemptaient Allah très vénéré des sons, des lettres et des langues. Puisqu’il a montré que la parole de Allah n’a ni début ni fin et que Sa parole n’est ni lettres ni sons, et ceci dans son recueil al-Fiqhou l-‘Absat dans lequel il dit : « Il a pour attribut la parole mais elle est différente de la nôtre. Nous parlons à l’aide de moyens corporels tels que les lieux d’articulation et les sons. Quant à Allah très vénéré, Il a l’attribut de la parole sans organes et sans les sons. En effet, Ses attributs ne sont ni créés ni dotés de début. Le changement d’état et la différence des façons d’être surviennent par rapport aux créatures. Celui qui dit que les attributs divins sont dotés de début ou créés ou bien refuse de s’y prononcer ou bien en doute, alors il est mécréant.»

 

 Dans toutes ses citations, il y a un exposé explicite et une preuve éclatante montrant que 3ilmou l-kalam qui est la science sur l’unicité divine et qui concerne la connaissance de ce qui est obligatoirement et irréfutablement parmi les attributs de Allah, et de ce qui est impossible qu’il en fasse partie, est une science louable. En effet, l’Imam Abou Hanifah que Allah l’agrée, était celui qui s’occupait le plus de 3ilmou l-kalam à son époque, chose qui prouve que cette science est louable. L’approfondissement de Abou Hanifah dans ce domaine de connaissance était son arme brandie contre les groupes hérétiques qui diffusaient l’égarement et en particulier les Mou3tazilah. Il suivait les Mou3tazilah de ville en ville et de pays en pays, et il a vaincu leurs prétentions, a annulé leurs propos équivoques et a montré au grand jour que leur enseignement est faux.

 

 Les deux livres de l’Imam Abou Hanifah : al-Fiqhou l-‘Akbar et al-Fiqhou l-‘Absat représentent une preuve éclatante qu’il était versé dans 3ilmou l-kalam. Nous remarquons cela à travers l’établissement des arguments rationnels et ceux tirés des textes coraniques et prophétiques. Ses exposés étaient pionniers dans 3ilmou l-kalam selon le madh-hab de ‘Ahlou s-Sounnah.

 

LES MERITES DE L’IMAM ABOU HANIFAH

 

L’Imam Abou Hanifah, que Allah l’agrée, était un homme détaché des mondanités et des attirances de ce bas-monde, il était scrupuleux et pieux. Son caractère était dense de crainte pieuse et d’humilité. Il invoquait ou priait Allah très vénéré constamment.

 Parmi ce dont Abou Hanifah était réputé, il y a le fait qu’il accomplissait la prière de fajr (la prière du matin) avec les mêmes ablutions que celle de 3icha’ et ce, pendant 40 ans. Il passait toute la nuit en prière, récitant le Qour’an en entier au cours d’un seul cycle (une rak3ah) de la prière. Les gens du voisinage qui entendaient ses pleurs dans la nuit ressentaient de la compassion pour lui. Aussi, il est connu qu’il a récité le Qour’an en entier sept mille fois dans le lieu même où il est décédé.

 

 Yazid bin al-Koumayt a dit : « Abou Hanifah était quelqu’un d’une très forte crainte pieuse de Allah, alors une nuit, lors de la prière de 3icha’, le muezzin 3Aliy bin al-Houçayn a récité la sourate « Idha Zoulzilati » (lorsque la terre sera secouée) ; Abou Hanifah priait derrière lui en le suivant. Lorsqu’il a achevé la prière et que les gens sont sortis de la Mosquée, j’ai vu Abou Hanifah assis en train de méditer et de respirer fort. A mon tour, je suis sorti en laissant la lampe de la Mosquée avec très peu d’huile au point qu’elle allait s’éteindre. A l’aube, je suis revenu à la Mosquée alors que le temps de fajr avait commencé et me voilà de nouveau devant Abou Hanifah, debout en prière, se tenant la barbe par la main et implorant Allah en disant : “Ô Toi Qui rétribues en bien ne serait-ce qu’un atome de bien, et Qui rétribues en châtiment ne serait-ce qu’un atome de mal, protège Ta créature an-Nou3man du feu, de tout mal qui l’y rapprocherait et fais-le entrer dans Ta Miséricorde.” J’ai alors fait l’appel à la prière de fajr en voyant la flamme de la lampe s’étouffer. Quand je suis rentré dans la Mosquée auprès de lui, il m’a dit : “Ne divulgue pas ce que tu as remarqué chez moi.” Ensuite, il a fait deux rak3ah et a attendu, assis, que je fasse le petit appel à la prière (al-‘iqamah) et il a fait la prière de as-soubh avec nous en ayant les ablutions du début de la nuit.»

 

 Le calife abbassyde al-Mansour a voulu le charger du poste de juge mais il a refusé. Al-Mansour a juré pour que Abou Hanifah accepte mais l’Imam a juré aussi qu’il n’acceptera pas. Ar-Rabi3 bin Younous, le portier et garde du Calife, s’adressa à Abou Hanifah et lui dit : « Ne vois-tu pas le commandant des croyants en train de jurer ? » Et Abou Hanifah a répondu : « Le Commandant des croyants est plus capable de payer l’expiation de son serment manqué que moi. » Et il a refusé le poste.

 

 Le portier et garde du calife abbassyde al-Mansour a rapporté qu’il a vu al-Mansour débattre avec Abou Hanifah au sujet de sa proposition à Abou Hanifah de le charger du poste de juge. Abou Hanifah lui a dit alors : « Crains Allah et ne soumets pas les sujets dont Allah t’a confiés la responsabilité sauf à quelqu’un qui craint pieusement Allah, quant à moi, je ne suis pas sûr même quand je suis satisfait, alors comment l’être quand je suis en colère ? De plus, je n’en suis pas digne ! »

 

 Al-Mansour lui a dit : « Tu mens, au contraire, tu en es digne ! » Abou Hanifah rétorqua : « Tu viens de trancher en ma faveur et contre toi-même, comment pourrais-tu nommer un juge chargé de ce dont tu as la responsabilité alors qu’il est menteur ? »

 

 Aussi, Yazid bin 3Oumar bin Houbayrah al-Fizariy était un gouverneur et avait voulu charger Abou Hanifah du poste de juge dans Koufah à l’époque de Marwan bin al-Hakam l’omeyyade, mais Abou Hanifah a refusé ; alors Yazid al-Fizariy l’a puni pour cent dix coups de fouet, lui en donnant chaque jour dix. Et lorsqu’il a vu son obstination à refuser, il l’a libéré.

 

SON DECES :

 

Le décès de l’Imam Abou Hanifah est survenu au cours de l’an 150 de l’Hégire, le 11 de Joumada I, et c’est au cours de cette même année qu’a eu lieu la naissance de l’Imam Ach-Chafi3iy. Certains racontent que la nuit du décès, il était en prison pour avoir refusé le poste de juge. D’autres rapportent que non.

 

 Le jour de son enterrement, cinquante mille personnes accompagnèrent son cercueil jusqu’à la tombe. Et, après la prière funéraire en sa faveur, il a été enterré dans le cimetière de Khayzaran à Bagdad.